Elle rentre crevée du boulot, il l'attend avec une valise trouvée dans le parking. C'est peut-être leur jour de chance. A moins que leur voisin,  Monsieur Rolland, n'ait une autre vision des choses...

 

2 H - 1 F / 11 minutes


Les valises 1 / Pièce courte 9


Un jeune homme est assis à la table de la cuisine. Il ouvre et referme une valise posée devant lui.
Entre sa compagne.

ELLE - Putain de journée à la con ! Putain de transports en commun à la con ! Putain de boite à la con ! Putain de patron à la con !

LUI - Bonsoir, Pat !

ELLE - C'est ça ! Bonsoir Pat... Bonsoir Seb... Tu vas bien ? Je vais bien. Ça a gazé ta journée ? Super. Qu'est-ce qu'on mange ce soir ? Qu'est-ce que tu veux que j'en sache rien, je ne suis pas dans le frigo. Il n'y a rien à la télé, ce soir. On se loue un film ? Idée géniale, Seb, et on peut se faire livrer une pizza aussi. Et merde !

LUI - Tu veux quelque chose ?

ELLE - Whisky.

LUI - Il est à peine six heures et demie.

ELLE - Qu'est-ce que ça peut foutre, hein ? L'heure qu'il est ?

Il va prendre un verre et la bouteille. Il la sert.

LUI - Tiens !

ELLE - C'est quoi, cette valise ?

LUI - Un signe du destin.

ELLE - T'as trouvé un travail de représentant ?

LUI - Je suis chercheur en sciences sociales, pas colporteur !

ELLE - T'énerves pas. Alors ?

LUI - Figure-toi que je revenais du supermarché...


ELLE - T'as pensé à mon demake-up ?

LUI - Oui. Je garais la voiture et...

ELLE - Et à la litière pour le chat, t'y a pensé aussi ? Parce que c'est une infection son plat !

LUI - C'est fait. Donc, j'étais sur le parking...

ELLE - Je suis sûre que tu as oublié les céréales, tu les oublies toujours !

LUI - Les céréales ?

ELLE - Et voilà !

LUI - C'est à cause du rayon. Il est mal situé.

ELLE - Attends ! Si tu n'achètes pas de céréales, si tu n'achètes jamais de céréales, c'est parce que le rayon n'est pas situé là où il le faudrait, c'est ça ?

LUI - Il n'est pas sur mon circuit.

ELLE - Mes céréales – parce que il n'y a que moi qui les mange ces putains de céréales – ne sont pas sur ton itinéraire, c'est ça ?

LUI - Après les alcools, je tourne à droite vers les biscuits apéritifs. Comme les céréales sont à gauche, je les oublie.

ELLE - Je t'avais fait une liste, bordel !

LUI - Bon. Je m'excuse, ça va ?

ELLE - T'es très fort pour t'excuser.

LUI - J'irai t'en acheter des céréales, des tas de céréales !

ELLE - Je m'en fout des céréales !

LUI - Je te promets de ne plus les oublier !

ELLE - C'est pas le problème.


LUI - Et c'est quoi, le problème ? (Tentant de l'embrasser dans le cou.) Patricia...

ELLE - Ça va ! Fout moi la paix !

LUI (essayant de la prendre dans ses bras) - S'il te plaît…

ELLE (se dégageant sans ménagement) - Finis ton histoire.

LUI (énervé) - Bon ! J'étais dans cette saloperie de parking à garer notre saloperie de bagnole quand j'aperçois cette saloperie de valise au sol !

ELLE - OK, t'as trouvé une valise tombée par terre, et après ?

LUI - Pas tombée par terre. Posée par terre.

ELLE - L'importance de la nuance m'échappe.

LUI - Cette valise n'est pas tombée par hasard, elle a été posée là, puis oubliée. Tu comprends ?

ELLE - Oui, c'est passionnant. Tu devrais écrire des thrillers.

LUI - Il n'y avait personne dans le parking...

ELLE (dramatique) - Tatatan !

LUI - Un peu de sérieux, s'il te plaît !

ELLE - Excuse-moi. Donc, tu l'as prise ?

LUI - Non. J'étais trop chargé et puis j'ai pensé que quelqu'un allait revenir la chercher. Ce n'est qu'après avoir rangé les courses que j'y ai repensé. Alors je suis redescendu...

ELLE - OK. Tu as trouvé une valise. Super. Et maintenant, tu vas rédiger une jolie affichette pour que son proprio vienne la récupérer. Elle est excitante, ton histoire !

LUI - Ça je ne sais pas.

ELLE - Qu'est-ce que tu veux qu'on fiche des affaires d'une autre  personne ?

LUI (ouvrant la valise) - A ton avis ?

ELLE - Qu'est-ce que c'est que cet embrouille ?

LUI - Il y en a pour 75000 euros.

ELLE - Tu as compté ?

LUI - Ben oui.

ELLE - Tu as compté tous ces billets un par un ?

LUI - A peu près. Il fallait bien savoir pour combien il y en a.

ELLE - Ce n'est pas à toi !

LUI - Justement, je me disais...

(A suivre...)