Un couple se retrouve sur une ile déserte à la suite d'un crash.

Pas si facile de retourner à la vie naturelle quand on n'a connu que la société de consommation...

 

1 H - 1 F / 8 minutes 45


Les valises 1 / Pièce courte 2


Un couple sur la plage d'une île déserte. Ils sont tous les deux allongés au soleil. On entend le bruit de la mer et le cri des singes.

LUI - T'as fait la vaisselle ?

ELLE - Non, je bronze.

Silence

LUI - On est bien ici, finalement.

ELLE - Finalement, oui.

LUI - C'est calme.

ELLE - A part les singes.

LUI - Heureusement, qu'ils sont là ceux-là !

ELLE - C'est vrai.

LUI - Ce n'est pas qu'ils soient très bons à manger, mais ça change des noix de coco.

ELLE - Ce que j'aimerais, moi, c'est du poisson.

LUI - Et avec quoi que je l'attrape ! J'ai rien pour pêcher !

ELLE - Tom Hanks, lui, il les harponnait du haut d'un rocher.

LUI - Je voudrais bien l'y voir, moi, Tom Hanks, avec les poissons d'ici et une femme derrière lui qui cri : « Vas-y ! Il va partir ! Mais vas-y ! Qu'est-ce que t'attends ? Et voilà ! Encore raté ! Si tu n'étais pas si lent, aussi ! » Oui, je voudrais bien l'y voir, Tom Hanks; on est pas au cinéma ici !

ELLE - Toi aussi alors tu vas devenir mince et musclé, tout comme lui ?

LUI - Euh, oui.


Silence


ELLE - Tu te rends compte. On a une île rien que pour nous deux.

LUI - Ce n'est pas ce que tu disais en arrivant ici.

ELLE - J'avais perdu tous mes produits de beauté dans le crash. Je devais être horrible à voir avec mes cheveux collés et ma peau décapée !

LUI - Un côté naturel qui ne te va pas si mal.

ELLE - En fait, on peut se passer de plein de choses.


LUI - La civilisation technologique a perverti l'homme.

ELLE - Et la femme !

LUI - Tu te rends compte tout ce qu'on jette en permanence !

ELLE - Les poubelles qui débordent, les placards toujours pleins !

LUI - Les gens s'ennuient, alors au lieu d'inventer, de s'amuser entre eux, ils prennent leur voiture et vont remplir des chariots.

ELLE - Ils ne savent même plus regarder la beauté de la nature autour d'eux !

LUI - Mais ils haïssent la beauté ! La beauté, elle les rend malades, elle leur renvoie à leur petitesse, à leur médiocrité !

ELLE - C'est pour ça qu'ils détruisent tout !
 
LUI - Oui, c'est pour ça qu'ils détruisent tout !

Silence.

ELLE - Tom ?

LUI - Oui, ma chérie ?

ELLE - Je suis contente de t'avoir connu.

LUI - Merci.

Silence.

ELLE - Tom ?

LUI - Oui, ma chérie ?

ELLE - Même si les secours n'arrivent jamais à nous retrouver, si nous devons rester ici jusqu'à la fin de nos jours, je veux te dire que je suis heureuse que ce soit avec toi.

LUI - Merci. C'est la même chose pour moi.

ELLE - C'est vrai ?

LUI - J'en suis même à commencer à espérer, qu'ils n'arrivent jamais ces secours, vois-tu.

ELLE - Que veux-tu dire ?

LUI - Tu les vois débarquer ici avec leurs mégaphones, leurs hélicoptères, leurs rangers et leur coca-cola ?

ELLE - Mais, c'est de l'armée que tu parles ?

LUI - Il n'y a plus de différence entre les sauveteurs de nos jours. Ce sont tous des héros. Et les héros boivent du coca-cola et  marchent en rangers !

ELLE - Ce serait affreux !

LUI - Je les entends déjà : Je répète : Ne baissez pas les bras ! Vous êtes en sécurité ! Vous êtes sous le contrôle de l'armée des Etats-Unis ! Vous êtes en sécurité ! Nous allons sécuriser la zone ! Je répète : ne baissez pas les bras, nous serions dans l'obligation de vous abattre ! Je répète...

ELLE - Et leur questionnaire, une fois à bord : Etes-vous ? Petit a : Terroriste ? Petit b : Communiste ? Petit c : Ou pire encore, Français ?

LUI - Et puis, ils seraient capables de construire un aéroport et un complexe hôtelier ici en moins de six mois ! Ce serait la fin de ce paradis !

ELLE - Il ne le faut pas !


LUI - De toute façon, je ne sais pas si je serais capable de me réadapter à la civilisation maintenant.

ELLE - Mais ça fait à peine quinze jours que nous sommes ici !

LUI - Oui, mais tout cela m'a ouvert des portes.

ELLE - Des portes ?

LUI - A l'intérieur. Oui. Des portes...

ELLE - Ensemble, nous trouverons la force de vivre.

LUI - Déjà, le fait que nous soyons les uniques rescapés du vol low-cost n°1313 de la compagnie Splash-Airlines est un signe du destin !

ELLE - Nous avons survécu !

LUI - Sérieusement: si un bateau ou un avion passait par là un jour qu'est-ce qu'on ferait ?

ELLE - Qu'est-ce que tu veux dire ?

LUI - Quelle serait notre attitude ?

ELLE - Je ne sais pas. On leur ferait signe que nous sommes là, non ?

LUI - Tu es sûre ?

ELLE - Tu veux dire qu'on pourrait faire comme si on n'était pas là ?

LUI - Pourquoi pas ? Si nous sommes si bien ici, pourquoi revenir en arrière ?

ELLE - Au fond, qu'est-ce qui nous attache à notre vie d'avant ?

LUI - Pas grand-chose.

ELLE - La famille, les amis...

LUI - Ils nous croient déjà morts. Ça les ennuierait maintenant de nous voir rappliquer.


ELLE - Tu crois ?

LUI - Les gens sont comme ça. Une fois qu'ils t'ont enterré, ils t'ont enterré. Personne n'aime les revenants.

ELLE - Et ma mère ?

LUI - Ah oui, je l'avais oubliée celle-là ! Ècoute : c'est dur, mais nous devons suivre notre destin. Et notre destin, c'est de vivre libres comme les premiers hommes l'ont fait à l'aube de l'humanité. En accord avec la nature. Dans une nouvelle spiritualité !

ELLE - Nous nous trouverons un Dieu, une idole à vénérer !

LUI - Je ne te suffis pas ? Je plaisantais. Oui, pourquoi pas ? Il faudra bien s'accorder les bonnes grâces de la mer.

ELLE - Je m'en occupe ! J'ai fait un stage sculpture au club ananas l'été dernier !

LUI - Et nous serons heureux !

ELLE - Un bonheur parfait !

Silence.

LUI - Il n'y a pas quelque chose qui flotte, là-bas ?

ELLE - Ah oui ! Qu'est-ce que c'est ?

 

(A suivre...)