Martial Bléger
Théâtre

Les valises 1 / Pièce courte 16

Une gare. Un banc.
Un couple stressé portant des valises arrive devant le tableau d'affichage des départs de trains.

ELLE - Tu vois ? Le quai n'est pas encore affiché ! C'était bien la peine que tu nous stresses comme ça !

LUI - Comment ça se fait qu'il ne soit pas affiché ?

ELLE - On a trois quart d'heure d'avance !

LUI - Quarante-trois minutes si ma montre est exacte. Et ce n'est pas de l'avance, c'est de la marge.

ELLE - Appelle ça comme tu voudras, on va poireauter et c'est tout !

LUI - J'espère que notre train n'est pas annulé !

ELLE - Tu m'énerves à voir toujours tout en noir !

LUI - Ça c'est déjà vu qu'ils annulent au dernier moment.

ELLE - Oui ça s'est déjà vu, tout s'est déjà vu !

LUI - Ils t'annoncent un train, tout a l'air normal et paf ! D'un coup, il disparaît !

ELLE - Allons plutôt boire un café.

LUI - Pour qu'on rate le train !

ELLE - Nous n'allons pas mettre trois quarts d’heure à boire un café !

LUI - On s'installe, on discute, et tout à coup on réalise qu'il va falloir traverser toute la gare en courant avec les valises, non merci !

ELLE - Qui m'a collé un bonhomme pareil ?

LUI - Surtout que si ça se trouve on est dans la voiture de tête d'un double TGV ! Huit cents mètres de quai à remonter, chargés comme on est, ça ne se fait pas en dix secondes !

ELLE - Alors va au moins m'en chercher un. Il y a une boutique de vente à emporter à 50 mètres.

LUI - Bon, bon. Ça doit pouvoir se faire. J'ai bien envie d'un petit café moi aussi. Tu m'appelles s'il y a du nouveau ? (Il prend sa valise.)

ELLE - Qu'est-ce que tu fais ?

LUI - Pardon ?

ELLE - Laisse ta valise.

LUI - Je n'ai pas envie qu'on me la pique.

ELLE - Je suis là !

LUI - C'est plein de pickpockets dans les gares !

ELLE - Tu es ridicule. Tu ne vas pas aller chercher des cafés avec ta valise. Comment tu vas faire pour les porter ?

LUI - C'est vrai. Tu fais bien attention, hein ?

ELLE - Je ne réponds pas.

LUI - C'est vite fait, tu sais. Un type passe, l'air de rien et hop, plus de valise !

ELLE - Je ne réponds pas.

LUI - Bon, je te fais confiance. Tu ne les quittes pas des yeux, hein ? Parce que je te connais, toujours à rêvasser... Bon, j'y vais.

Il sort et revient aussitôt.

ELLE - Et les cafés ?

LUI - Il y a la queue.

ELLE (regardant vers la boutique) - Trois personnes. T'appelles ça une queue ?

LUI - La première personne a commandé deux paninis, un sandwich, deux cocas, une bouteille d'eau, et trois tartelettes ! Vu la rapidité de la vendeuse, on y est jusqu'à ce soir !

ELLE - Tu veux que j'y aille ?

LUI - Non, non, si je ne te vois pas revenir, ça va me stresser ! J'y retourne, tu fais attention, hein ? On a toutes nos affaires pour les vacances, là-dedans.

ELLE - Je surveille tes chaussettes, ton maillot de bain et ton bob Ricard, mon chéri. Va maintenant.

LUI - Tu rigoles, tu rigoles... Bon, j'y vais !

(A suivre...)