Un couple en croisière survit au naufrage d'un paquebot. L'heure du règlement de compte a sonné !

 

1H - 1F /  9 minutes


Les valises 2 / Pièce courte 2


Un couple au milieu de l'océan. Chacun est juché tant bien que mal sur une valise qui flotte. Autour d'eux les débris d'un naufrage. Il griffonne des choses sur un carnet.


ELLE - Alors ?

LUI - Évidemment, sans sextant, ni boussole...

ELLE - Eh bien ! Expliquez-vous, mon ami !

LUI - Si je me fie aux dernières indications de position du bateau, pondérées par la dérive naturelle du courant est-ouest et affinées par l'incidence des vents dominants, nous devrions être à peu près là, mais si maintenant j'étudie l'orientation de Cassiopée par rapport à ce que j'ai déduit de la route suivie et en me projetant vers l'escale initialement prévue, nous serions plutôt ici.

ELLE - Ce qui signifie ?

LUI - Que notre position est discutable.

ELLE - Ça, je n'avais pas besoin de vous et de vos calculs pour le savoir !

LUI - De toute façon, je ne vous parle plus !

ELLE - Au lieu de vous énerver, vous feriez mieux de trouver un moyen pour nous tirer de ce mauvais pas.

LUI - Vous n'avez qu'à pagayer jusqu'à la côte.

ELLE - Et elle est où, s'il vous plaît, la côte ?

LUI - Ah ! C'est une nuit que je ne suis pas prêt d'oublier !

ELLE - L'important, c'est que nous soyons vivants, non ?

LUI - Et la faute à qui si nous en sommes là ?

ELLE - Elle est bien bonne celle-là ! C'est vous qui avez insisté pour faire cette croisière !

LUI - J'ai insisté pour que nous effectuions cette croisière parce que cette croisière constituait le cadeau que ma société offre à son meilleur vendeur de sanitaires. Et il se trouve que je suis le meilleur vendeur de sanitaires de la société depuis trois      ans !

ELLE - Grâce à vos exploits en faïencerie, l'année dernière, nous nous sommes tapés une semaine à la pointe du Raz !

LUI - Et alors ? C'est splendide la Bretagne !

ELLE - Pas au mois de janvier.

LUI - De toute façon, l'entreprise était fermée pour cause d'inventaire...

ELLE - Cela dit, comme il pleuvait non stop, nous finissions la journée ivres morts.

LUI - Oui, mais là-bas, c'est normal !

ELLE - Nous aurions aussi bien pu rester pour aider à compter les lavabos.

LUI - En attendant, ce sont eux qui nous font vivre !

ELLE - Ce ne fut en tout cas pas pire que l'année d'avant ! Souvenez-vous : le week-end saut à l'élastique dans le Vercors !

LUI - Qu'est-ce qui n'a pas été ce coup-là ?

ELLE - Vous ! Rien qu'à l'idée de vous jeter du haut d'un pont, vous avez vomi pendant deux jours. Vous étiez tellement blanc que vous ressembliez à un de vos articles.

LUI - J'ai le vertige ! C'est pas un truc qu'on contrôle !

ELLE - Bref, c'est moi qui ai dû me taper tous les sauts. Les vôtres et les miens.

LUI - Vous vous êtes éclatée, non ?


ELLE - Presque. Ils étaient pourris les élastiques !

LUI - Et voilà ! Je me défonce chaque jour au boulot, et tout ce que j'obtiens, ce sont des reproches !

ELLE - Mais c'est encore cette année qu'on touche le fond ! (Silence.) Encore heureux que la mer ne soit pas froide...

LUI - Oui, mais vous devriez remonter un peu vos pieds. A cause des requins.

ELLE - Bah ! Avec tous les passagers qu'ils ont bouffés les requins, on est tranquille pour un moment !


(A suivre...)