Un homme et une femme se retrouvent dans un couloir. Ils cherchent à récupérer leurs vêtements et leur identité.

 

1H - 1F / 7 minutes 30


Les valises 2 / Pièce courte 8


Un homme habillé en femme (chemisier, jupe et chapeau), une femme habillée en homme (complet veston) se croisent dans le couloir d'un hôtel. Ils sont pieds nus.

ELLE - Pardonnez-moi ! (Il continue d'avancer.) Excusez-moi ! Madame ! (Même chose.) Eh, vous !

LUI (sans se retourner) - Qu'est-ce qu'il y a ?

ELLE - Euh... Je cherche l'ascenseur. Cet hôtel est immense et...

LUI (toujours de dos) - Au fond du couloir.

ELLE - J'en viens du fond du couloir. Dites... Vos vêtements... Mais ce sont les   miens !

LUI (se retournant) - Et alors ?

ELLE - Vous portez mes vêtements ! Vous avez enfilé ma jupe Agnès B ! Vous êtes un malade !

LUI - Ah oui ?

ELLE - Ne m'approchez pas !

LUI - Vous avez un problème ?

ELLE - Moi, j'ai un problème ? Regardez-vous dans un miroir, mon petit vieux ! Ça porte un nom les gens de votre espèce !

LUI - Je vous signale que vous n'êtes pas vous-même dans une tenue très ordinaire. Et je ne vous traite pas de désaxée, moi !

ELLE - J'ai enfilé un costume d'homme parce que je n'avais pas autre chose sous la main. Le pantalon tombe un peu car c'est un 44 et que je fais un petit 36 !


LUI - Le pantalon tombe, mais c'est un 42 et de toute façon, vous ne faites sûrement pas un 36, mais plutôt un 38 !

ELLE - Alors en plus d'être un pervers, vous êtes un mufle ! Je fais un 36 !

LUI - Sans blague ?

ELLE - A la fin de la thalasso, je ferai un 36 ! Mais comment savez-vous que ce pantalon taille 42 ? (Réalisant.) Ce sont vos habits, n'est-ce pas ?

LUI - Oui. Il y a eu comme une erreur d'aiguillage quelque part, on dirait. Et avec leur manie de ramasser les peignoirs sans rien dire.

ELLE - Vous êtes arrivé cet après-midi, vous aussi ?

LUI - Oui. C'est mon toubib qui m'a conseillé une thalasso.

ELLE - Problèmes de circulation ?

LUI - Non, je suis venu en train.

Silence.

ELLE - Euh… Je voulais dire…

LUI - Je sais... C'était de l'humour.

ELLE - Ah oui ! Très drôle !

LUI - Ne vous fatiguez pas, c'était nul.

ELLE - C'était sympa d'essayer de me faire rire, en tout cas.

LUI - Arrêtez, vous devenez humiliante à la fin !

ELLE - Vous êtes sensible, vous, comme type.

LUI - Mon côté féminin.

ELLE - A ce propos, ça me fait drôlement bizarre de voir mes fringues sur un autre, c'est comme si c'était moi et pas moi, vous comprenez ?


LUI - Non.

ELLE - C'est simple : c'est moi et ce n'est pas moi, tout en étant quand même un peu moi.

LUI - Ah oui ! Là, c'est plus clair ! Écoutez : vous savez ce qu'on devrait faire ?

ELLE - Une réclamation ?

LUI - Pour commencer, échanger nos vêtements.

ELLE - Oui, bien sûr ! Dans le couloir ?

LUI - Euh, non, et puis je ne porte rien dessous...

ELLE - Rien sous ma jupe Agnès B. !

LUI - Oui, bon, ça va ! Je ne vais pas vous la déformer.

ELLE - Bon, rendez-vous ici dans deux minutes avec les valises et après chacun retourne s'habiller !

LUI - Qui vous dit que ce ne sont pas les chambres que la réception a interverties ?

ELLE - Ne commencez pas à m'embrouiller ! C'est plus simple d'échanger une valise qu'une chambre, non ?

LUI - Pas du tout : si je vais dans votre chambre qui devient du coup la mienne, alors je retrouve ma valise et non la vôtre, ce qui me permet de me changer et de ramener vos vêtements dans mon ancienne chambre qui, entre temps, est devenue la vôtre.

ELLE - On ne va jamais s'entendre tous les deux, vous savez ?

(A suivre...)