Elle vient de se faire larguer. Il attend le dépanneur. Ce n'est pas la route des vacances. Ce n'est pas non plus leur jour de chance...

 

2 H - 1F / 10 minutes 30



Les valises 2 / Pièce courte 3


Une aire de parking sur l'autoroute. La nuit.


LUI (au téléphone) - Une heure ! C'est énorme ! Ah ! Bon, c'est normal ? Pour un 15 août, c'est normal... On est le 15 août ?..  Ah, non le 16 !.. Ah ! Bon, c'est pareil ? Le 15, le 16 même combat quoi... Le 17, c'est mieux ? Ah ! Oui, mais je ne vais pas attendre jusqu'au 17, moi !...

ELLE (off) - Remonte dans ta caisse pourrie et va te faire voir ! Parfaitement ! T'inquiète pas pour moi. J'ai pas besoin d'un chaperon. Le premier minable venu sera toujours mieux que toi !

LUI - O.K ! Une heure. Merci. Un camion avec un gyrophare ? Une dépanneuse   quoi !

On entend le son d'une voiture qui démarre.

ELLE (elle entre à reculons) - Et voilà ! Bon débarras ! Pauvre type ! Banquier ! Petite bite ! (Une valise est projetée à ses pieds depuis les coulisses.) Ma valise ! Salaud !

LUI - C'est ça. Merci. Oui, j'attends. Où voulez-vous que j'aille ?

ELLE (revenant avec sa valise et avisant l'homme au téléphone) - Excusez !   Excusez ! Non, mais excusez-moi !

LUI - Qu'est-ce que vous avez à brailler ? Vous ne voyez pas que je suis au téléphone ?

ELLE - Elle est à vous cette voiture?

LUI - Dès que j'aurai fini de payer son crédit, oui.

ELLE - (Sèchement) Très drôle ça ! (Un temps.) Vous allez sur Nantes ?

LUI - Normalement, oui.

ELLE - Vous m'emmenez ?

LUI - J'en sais rien.

ELLE - Comment ça, vous n'en savez rien ?

LUI - Qu'est-ce que vous faites dans le coin ?

ELLE - Du stop.

LUI (un temps) - Vous travaillez ?

ELLE (un temps) - Vous en connaissez beaucoup, vous, des nanas qui tapinent avec une valise ?

LUI - A une heure du mat, tout devient possible.

ELLE - Ça me rendrait vraiment service que vous m'emmeniez. Allez, quoi, je vous tiendrai compagnie. Je vous éviterai de vous endormir.

LUI - De m'endormir ?

ELLE - Je parlerai tout le temps si vous voulez.

LUI - Je n'aime pas qu'on parle quand je suis au volant. Ça me déconcentre.

ELLE - Bon, et bien, je ne parlerai pas, s'il n'y a que ça...

Silence.

LUI - Que vous est-il arrivé ?

ELLE - Rien. Une conversation qui dérape, c'est tout.

LUI - Avec votre...

ELLE - Évidemment.

LUI - Et il vous a planté là, comme ça ?

ELLE - C'est ça, comme une merde.

LUI - Ce n'est pas ce que je voulais dire.


ELLE - C'est comme ça que je l'ai senti.

LUI - Et... Ça vous arrive souvent ?

ELLE - Tous les vendredis soir. Tous les vendredis soir, il m'abandonne sur une aire d'autoroute et après je lui raconte les rencontres que j'ai eues. Très excitant.

LUI - Désolé.

ELLE - Maintenant que vous savez tout de ma vie privée, on pourrait peut-être foutre le camp de cet endroit pourri ?

LUI - Je voulais juste vous aider.

ELLE - Ecoutez : il n'y aurait pas assez de place sur ce parking pour garer tous les gens qui ont voulu m'aider avec leurs foutus conseils !

 

(A suivre...)