LES FIGURANTS

 

Salle d’attente d’un Pôle Emploi Spectacles.

Au centre : une table basse avec de vieux magazines, quelques chaises. Au fond : deux portes marquées A et B.

Côté jardin : une porte ouvrant sur les toilettes. Une fenêtre avec un store à lamelles.

Côté cour : l’entrée, un distributeur de tickets d'appel.

Une machine à café. Une plante verte dans un bac Riviera. Un tableau avec des offres d'emplois punaisées. Une caméra de surveillance. Un boitier suspendu affiche un numéro en rouge, le 2344. De temps en temps, celui-ci émet un bruit comme celui d'un affichage mécanique, comme si le numéro avait changé, mais il reste le même.

David est assis. Pas rasé de 3 jours, il porte un costume froissé, mais de bonne coupe. Il y a un vieux sac en cuir à côté de lui. Il gratte avec une pièce des tickets de jeu. Plusieurs sont déjà au sol.

 

ACTE 1

 

DAVID Ouais...! (Il laisse tomber le ticket par terre et en gratte un autre.) D'accord...! (Il le jette et se saisit d'un autre.) Connerie... (Un autre.) Ah ! (Il continue de gratter le même ticket.) Les vaches ! Cinq euros ! Qu'est-ce qu'ils veulent que je foute avec cinq euros ! (Il le range dans une poche et en gratte un autre.) Ouais...

 

Nestor entre avec un sac en bandoulière et un casque jet à la main. Il porte des lunettes de soleil, une veste en cuir, un jean branché et un pull rose sur sa chemise.

 

NESTOR (à la cantonade.) Il n'y a pas un accueil ? Une hôtesse ?

 

David lève la tête, puis retourne à son occupation.

 

(S’adressant directement à David.) Il n'y a pas un accueil, une hôtesse ?

DAVID (pour bien marquer l'impolitesse de l'arrivant.) Bonjour !

NESTOR Oui, c'est ça, bonjour, bonjour ! Il n'y a pas...

DAVID Non.

NESTOR C'est chiant ! Ils font chier ! Il n'y a plus personne nulle part !

 

Nestor tourne un peu, lit quelques offres d'emplois sur le mur, hausse les épaules, puis s’assoit. Au bout d’un moment, il se saisit d’une revue. Il la feuillette rapidement, la repose et cherche autre chose à lire.

 

DAVID (en continuant à gratter ses tickets.) C’est que des vieilles !

NESTOR Pardon ?

DAVID Les revues. C’est que des vieilles. Par exemple, elle, là, ça fait un bail qu’elle n'est plus avec lui, là !

NESTOR Qui ?

DAVID (montrant une photo à la une d'un magazine) Elle, là ! Avec lui, là !

NESTOR Ah bon ? Je ne savais pas.

DAVID Il ne savait pas.

NESTOR (surpris par l'usage de la 3eme personne, il regarde David un peu mieux.) Et il s’en fout !

DAVID Ouais...

Nestor soulève la pile de magazine à la recherche de lecture.

Il cherche quelque chose, le Monsieur ?

NESTOR Non.

DAVID Il cherche sûrement quelque chose de plus sérieux. De plus intellectuel, quoi... Non, il n'y a pas.

NESTOR (nerveux.) Ça fait longtemps que vous attendez ?

DAVID (regardant par terre.) Environ quinze morpions.

NESTOR (après un mouvement de recul.) Ah, le jeu à gratter ! (Silence.) C'est toujours long comme ça ?

DAVID Il est nouveau ici, lui.

NESTOR Hein ?

DAVID C'est la première fois qu'il vient ?

NESTOR Pardon ?

DAVID Il n'a pas pris son ticket.

NESTOR Ticket ?

DAVID Là ! Au distributeur à tickets !

NESTOR (allant pour se lever, puis se ravisant.) Je suis juste après vous.

DAVID Il devrait quand même prendre son ticket.

NESTOR Merci du conseil.

DAVID Si j’étais lui…

NESTOR Plaît-il ?

DAVID Si j’étais lui…

NESTOR Vous n’êtes pas moi, vous ne le serez jamais !

DAVID Néanmoins…

NESTOR Ça va ! OK ! Lâchez-moi, mon vieux !

DAVID Bon… Bon… Moi, ce que j'en dis... Cependant, comme ils appellent les gens par le numéro inscrit sur le ticket, il risque d'attendre longtemps... Enfin, je dis ça, je dis rien...

 

Nestor finit par se lever, va au distributeur, en arrache un, puis retourne s’asseoir. Il reprend une revue. David sort de quoi se faire un sandwich. Nestor paraît indisposé.

 

DAVID C’est ma femme qui insistait pour que je ne parte pas le ventre vide. Il n'en veut pas un bout ?

NESTOR Non merci. Ça va.

DAVID C’est vrai que les sardines le matin, c’est pas très convivial. Vraiment pas ?

NESTOR Ça va, je vous dis.

Silence.

DAVID Il est venu en deux roues, le Monsieur ?

NESTOR (sec) Je ne me trimballe pas un casque pour faire joli, en effet !

DAVID Pour se garer, c'est mieux. Moi, je ne lui dis pas comment j'en ai bavé pour trouver une place juste en face !

NESTOR (après un temps.) Pourquoi dites-vous « il » au lieu de « vous » ?

DAVID Plaît-il ?

NESTOR Quand vous m'adressez la parole, vous utilisez la troisième personne comme si je n'étais pas là.

DAVID S'il n'était pas là, je ne lui parlerai pas. Je ne suis pas fou.

NESTOR (soudain soupçonneux) Vous attendez pour quoi, vous, au juste ?

DAVID Je vais répondre. Moi, quand on me pose une question, je réponds. (Un temps.) Nous sommes tous ici pour la même raison.

NESTOR Mais encore ?

DAVID Pardon ?

NESTOR La raison précise pour laquelle vous...?

DAVID Parce que je suis dans la merde. Et qu'étant dans la merde, je viens participer à un casting de merde ! Comme lui, d'ailleurs.

NESTOR Lui ? Ah, oui. Évidemment.

DAVID Je ne lui fais pas dire.

Silence.

NESTOR Ça va pas prendre des plombes, quand même ?

DAVID Ça dépend.

NESTOR De quoi ?

DAVID Des jours.

Les deux hommes se plongent dans les magazines.

DAVID C’est marrant. C’est marrant. C’est marrant quand même. Moi, je trouve ça marrant. Pas marrant, marrant, bien sûr. Sur le fond, c’est pas vraiment marrant, alors là, pas du tout marrant même, mais en un sens ça reste marrant. Je ne sais pas pourquoi c’est si marrant. Au troisième degré, c’est marrant. Pas franchement marrant comme un truc bien marrant, mais marrant quand même.

NESTOR (explosant.) Je n'ai pas que ça à foutre, moi !

DAVID Le truc, c'est de lire les commentaires. Les gens, ils feuillettent bêtement, mais le vrai plaisir, ce sont les commentaires. Il m'écoute ? : « Le Comte et la toujours élégante Comtesse de Torpedo accompagné de leur ravissante nièce Natalia arrivent à la soirée des Castel-Montfleury. » C'est chou, non ?

NESTOR Super.

DAVID « La toujours élégante Comtesse de Machin Chose... » Une vieille peau, oui ! Tiens, je suis prêt à parier qu'il se l'envoie, le Comte, la ravissante nièce Natacha, et qu'elle n'est pas plus sa nièce qu'autre chose d'ailleurs....

NESTOR Natalia.

DAVID Pardon ?

NESTOR La nièce ne s'appelle pas Natacha, mais Natalia.

DAVID (vérifiant) Tout à fait. Il commence à s'intéresser à ce que je vois.

NESTOR Si vous saviez comme je m'en fous...

DAVID Je concède qu'il n'y a rien de bien fascinant dans toutes ces histoires de fesses. Celui-là, par exemple, je le suis de magazine en magazine, il n'arrête pas ce gars-là. Qu'est-ce qu'on s'en fiche qu'il couche avec une telle et une telle, non ? Il a une tête de dégénéré de toute façon. Qu'est-ce qu'elles lui trouvent ? C'est ça le mystère. Je suis largement mieux que lui ! (montrant la photo à côté de son propre visage.) Non ?

NESTOR Euh, oui… (Désignant le distributeur à boissons) Elle fonctionne la machine ?

DAVID Avec des pièces. C'est vraiment écœurant ces journaux-là !

NESTOR (devant la machine) 2 euros 50 !

DAVID Et il faut faire l'appoint.

NESTOR (constatant qu'il n'a pas la monnaie) C'est pas vrai !

DAVID J'ai la monnaie, s'il veut.

NESTOR (se rasseyant, frustré) Merci, ça ira.

DAVID Il n'a plus envie d'un petit café ?

NESTOR Non.

DAVID Ils en profitent. Il n'y a nulle part dans le quartier où boire un jus. Cela dit, moi j'ai un petit truc pour ne pas me ruiner. S'il veut un conseil...

NESTOR Écoutez ! C'est bon ! Il n'est plus là, d'accord ? Vous l'oubliez ! Il n'a besoin de rien, merci !

DAVID Chacun pour soi, je vois. A fond dans le système. Pas de problème.

Long silence pendant lequel Nestor tente de s'occuper, pendant que David va à la machine à café. Il met les pièces, se saisit de son gobelet plein et donne un coup de pied dans la machine. Aussitôt, on entend tomber les pièces comme dans une machine à sous. Il les récupère et les fourre dans sa poche en sifflotant.

DAVID Pour info : Il suffit à l’instant où on choisit la boisson d’appuyer sur annulation pour que les pièces se bloquent. Après, un petit coup sec dans le monnayeur et hop ! Gratos ! Le tout est joué ! C’est un truc qu’on se refile entre anciens. Il me dira : faut encore avoir les pièces. (Un temps.) Il le saura pour la prochaine fois.

NESTOR Il n’y aura pas de prochaine fois et je n’ai plus du tout envie de café !

DAVID (à propos d’une photo de magazine.) Tiens ! Elle a vachement grossie celle-là ! A votre avis ? En cloque ?

 

Nestor montre des signes d’impatience, se lève, se rassoit.

 

NESTOR (regardant pour la première fois son ticket et le comparant au nombre affiché au mur.) Vous avez quoi comme numéro, vous ?

DAVID Besoin de quelque chose à présent ? De solidarité humaine ?

NESTOR (agacé.) Vous avez quoi comme numéro, merde ?

DAVID Il s'énerve toujours aussi souvent, le Monsieur ? C'est lié à l'enfance ça, cette façon de monter en pression. Un truc pas réglé avec sa mère, je dirais.

NESTOR Laissez ma mère tranquille ! Et sortez votre ticket !

DAVID Je ne sais plus où ils sont ! (Sortant des tickets). Non, ça c'est le loto. Le bingo. Mes morpions...

NESTOR Vous êtes joueur ?

DAVID Il est observateur. (Un temps.) Ah, voilà, voilà ! Où sont mes lunettes ? Voyons voir. Alors… Le 2345.

NESTOR Il y a quelqu'un d'autre qui est venu ?

DAVID Quelqu'un d'autre ?

NESTOR J'ai le 2347 !

DAVID A moins que quelqu'un ne soit entré et reparti quand je suis allé aux toilettes. Non.

NESTOR J'ai le 2347 !

DAVID Voyons, combien de temps cela a-t’il pu me prendre pour faire ma petite affaire, me laver les mains et me passer un coup de peigne ?

NESTOR J'ai le 2347 !

DAVID Ah, oui ! J'avais oublié ! C'est moi qui ai le 2346 ! Je tire deux tickets. Je fais toujours ça. Une astuce. Avec un pote, le premier arrivé prend deux tickets comme ça quand l'autre rapplique... Il a compris ?

NESTOR Mais c'est parfaitement anormal !

DAVID Ce pote, c'était il y a longtemps. Mais, le truc m'est resté.

NESTOR J'aime mieux vous dire tout de suite que personne ne se faufilera entre vous et moi !

DAVID Alors le ticket, quand c'est blindé de monde, dés fois j'arrive à le revendre, pas con, hein ? On se débrouille, quoi !

NESTOR Donnez-le moi !

DAVID Trop tard, je l'ai rangé. Dans quel état qu'il se met quand même !

NESTOR Personne !

Silence.

DAVID Une fois, je l'ai offert à une jeune femme. Si ! La salle était bondée. J'avais remarqué son regard désemparé quand elle a vu le monde qu'il y avait. Oui, je suis très psychologue avec les femmes. Bref, je lui ai proposé discrètement mon ticket, lui ai prodigué quelques conseils, et hop, c'était parti...

NESTOR Je croyais qu'il... enfin... que vous étiez marié ?

DAVID Il est vieux jeu, celui-là !

NESTOR Remarquez que je m'en fous complètement ! Bon, on va pas passer la nuit ici ! (Tentant d'ouvrir les portes d'accès aux bureaux administratifs.) y'a quelqu'un ? Eh, du bateau !

DAVID Elles ne s'ouvrent que de l'intérieur. Ils ont prévu le coup, allez !

NESTOR (son portable sonne.) Allo ! Ah, c'est toi ! Non, pas encore. Je ne sais pas. Oui, je t'ai promis que ce serait toi. Mais il faut d'abord que j'en parle.. Non, c'est sûr. Oui, c'est moi qui décide. Tu es faite pour ça. Bien sûr. Mais il faut quand même que... Je t'appelle dès que je suis dehors. OK ? Je t'embrasse. Oui, moi aussi. Si. Très fort. Mais oui, bien sûr, moi aussi. Oui, pareil. Non, je ne peux pas te le dire là. Non, je n’ai pas honte, mais je ne peux pas… Mais si… Ecoute… Je t’embrasse.. Oui, très fort… C'est ça, bisou. Oui, bisou. Bisou, bisou. A tout à l’heure, bisou. Moi, aussi.

DAVID Elles sont collantes, hein ?

NESTOR Oubliez-moi un peu, mon vieux !

DAVID C'est difficile avec le raffut qu'il fait quand même. Il n'est pas patient, hein ?

NESTOR Non, il n'est pas patient.

DAVID Il est certain que la disparition de l'accueil a beaucoup contribué à l'augmentation du sentiment d'attente. Mais les gens en profitaient pour faire remplir leur dossier à leur place par l'hôtesse qui en prenait, la pauvre, plein la figure, et ce n'était pas toujours qu'une image. Et puis elle a fait sa petite dépression et ils ont arrêté les frais. A sa place, ils ont installé une caméra, là, pour la sécurité.

NESTOR Je ne l'avais pas remarqué. La sécurité ? C'est ridicule, il n'y a rien à voler ici.

DAVID C'est pas pour le vol, c'est pour la casse. Ça c'est déjà vu qu'il y en ait qui s'énervent.

NESTOR Je ne vois vraiment pas comment on peut en arriver à de telles extrémités. Vous venez depuis longtemps ?

DAVID Je ne viens pas depuis longtemps. Je viens souvent. Ce qui s'est passé, c'est qu'ils ont regroupé l'ensemble des services dans un seul, pour plus d'efficacité.

NESTOR Et ?

DAVID Plaît-il ?

NESTOR Ça marche mieux maintenant ?

DAVID (l'observant) Il est drôle ! Il est drôle ! Il fait autre chose dans l'artistique ou seulement de l'alimentaire ?

NESTOR Foutez-moi la paix !

DAVID Ouh là là ! Susceptible avec ça ! Sans rire : Écrivain, scénariste, réalisateur, producteur ? Non, pas producteur. Comédien, régisseur, accessoiriste, décorateur...?

NESTOR Un truc comme ça, oui.

DAVID Ah... C'est secret.

NESTOR Voilà.

DAVID Ou alors c'est qu'il en a un peu honte.

NESTOR Pas du tout. Mais je ne raconte pas ma vie à n'importe qui.

DAVID Je pourrais me vexer. J'ai l'air comme ça très empathique, mais j'ai mon petit orgueil. Cela dit je comprends qu'il ne soit pas très facile d'avouer qu'on ne bouffe pas à sa faim dans un milieu où tout le monde se goinfre.

NESTOR Je ne vous parle plus.

DAVID J'ai connu un réalisateur. Après renseignement, il était troisième assistant. Le gars qui porte les cafés et qu'on envoie à trois heures du matin se taper 400 bornes aller/retour pour acheter une ampoule qui a claquée.

NESTOR Je ne vous écoute plus.

DAVID Il est libre de rester sur son petit quant à lui. Pour ma part, je le verrais bien dans un truc intello. Adaptateur radiophonique à France Culture. Une connerie comme ça.

NESTOR Alors, là, vous n'y êtes pas du tout !

DAVID Sans blague. (Un temps.) Si je sais : Du théâtre !

NESTOR Ouais...

DAVID D'ailleurs, je vous imagine assez bien en toge.

NESTOR N'importe quoi ! Moi, c'est le théâtre en effet, mais attention moderne ! D'avant-garde ! Je dirais même d'avant-avant-garde !

DAVID Genre ?

NESTOR C'est tellement pointu que même si j'essayais de vous expliquer ma démarche, vous ne la comprendriez pas.

DAVID J'avais raison : un truc chiant ! Je l'ai senti immédiatement !

NESTOR Dans tous les domaines, il faut des éclaireurs !

DAVID Il pourra jeter un œil à ma voiture alors, j'ai un phare qui déconne ?

 

On entend un bruit provenant de l’entrée.

 

EVA (off) Putain de scoot à la con !

 

Entrée d'Eva. Fille pas mal, mais habillée d’une façon un peu trash. Elle boite légèrement.

 

EVA ‘Jour.

DAVID Bonjour, Mademoiselle.

EVA (désignant le distributeur.) Faut prendre un ticket ?

DAVID (fouillant dans ses poches.) Normalement oui, mais il se trouve que justement...

NESTOR (le coupant.) Oui, c'est obligatoire !

Eva prend un ticket et va s'asseoir.

Les deux hommes se replongent dans la lecture des magazines, Eva sort son portable et pianote.

DAVID Ah tiens ! C'est très drôle ça !

Voyant que personne ne réagit, il se tait. Soudain, désignant le portable d'Eva :

C'est votre compagnon ?

EVA Non, c'est Rocky, mon clebs.

DAVID Excusez, c'est à cause des lunettes.

EVA Ça lui donne un côté rock star, hein ? Moi, j'aime bien les trucs débiles.

DAVID (au second) C'est marrant. Il devrait jeter un œil. Vraiment poilant !

Eva sort une pomme de son sac et croque dedans.

EVA Xcusez-moi. Moi, quand je poireaute, ça me donne faim.

DAVID Ne vous excusez-pas. Vous croquez cette pomme de manière charmante. Voulez-vous que je vous dise, Mademoiselle, c'est quelque chose que nous avons en commun. L'attente me creuse.

NESTOR Vous lui dites « vous » à elle.

DAVID Qu'est-ce qu'il me veut, lui ?

NESTOR Vous la vouvoyez ?

DAVID Oui, je suis très psychologue avec les femmes.

EVA Z’êtes gentil.

DAVID (lui tendant la main.) David.

EVA (elle ne tend pas sa main.) Euh... Moi, c'est Eva. (Elle regarde Nestor.)

NESTOR (se sentant obligé) Nestor.

EVA Nestor ? (Elle pouffe.) Xcusez-moi ! Nestor ? C'est vrai ?

DAVID Monsieur est dans le « Spectacle ».

EVA C'est cool ! C’est qui le père de l’enfant de la ministre ?

NESTOR Ce n’est pas du tout mon domaine.

EVA Z’êtes tenu au secret ?

NESTOR Non, je n’en sais rien. C’est tout.

EVA Z’êtes vraiment dans le cinéma ?

NESTOR (agacé.) Non, je suis auteur metteur en scène de théâtre !

EVA C’est pas trop chiant ?

Un temps.

DAVID Et il est joué parfois, l'auteur ?

NESTOR L'auteur vous emmerde.

EVA Bonjour l'ambiance ! Bon, y’a moyen de boire un café ?

DAVID A la machine-là ! Je vous l’offre, d’accord ?

EVA Ouais, mais vous emballez pas trop. J’suis pas disponible.

DAVID Avec ou sans sucre ?

EVA Sans. Enfin, mettez-en un peu quand même.

David commande le café, s’en saisit, mais n’ose pas donner le coup pour récupérer les pièces.

EVA (il l’apporte à Eva.) Merci.

DAVID (un temps.) Vous ne voulez pas que je jette un coup d’œil à votre book. Je m’y connais, vous savez !

EVA Bof, si ça peut vous faire plaisir, y’a rien de secret.

NESTOR (se levant) C’est son truc, fouiller dans la paperasse des autres.

EVA Ça m’est égal.

DAVID Vous voudriez faire quoi, dans l’idéal ?

EVA Plutôt du cinéma, c’est cool et bien payé.

DAVID Vous connaissez du monde ?

EVA Non, je viens de Limoges.

NESTOR (qui écoutait.) Ah oui ? C’est marrant, ça...

EVA J’ai mon frère en région parisienne, mais il n’est pas dans le milieu. C’est un sportif de haut niveau qui s’entraîne avec des militaires, enfin, si j’ai bien tout compris ce qu’il m’a raconté.

DAVID Vous n’êtes pas très proches ?

EVA Si, mais bon, on n’a pas les mêmes idées. Enfin, je dirai que lui, il n’en a pas du tout !

NESTOR (agacé.) Vous n’êtes pas obligée de lui raconter votre vie ! (Il va à la machine à café et donne un coup de pied tout en toussant. Les pièces tombent. Il les récupère pour se faire un café.) A la vôtre !

EVA Y’a des chiottes, ici ?

DAVID Juste là !

EVA Cool. (Elle s’y rend.)

DAVID Son book, c’est du n’importe quoi, la pauvre n’a pas une chance d’obtenir quoi que ce soit avec un truc pareil !

NESTOR Vous n’avez pas intérêt à lui refiler le ticket, vous !

DAVID Quel ticket ?

NESTOR Le 2046.

Silence.

DAVID Il est joueur ?

NESTOR Hein ?

DAVID Je suis certain qu’elle serait d’accord pour 50.

NESTOR Pardon ? D'accord pour quoi d'abord ?

DAVID Il fait son petit innocent, hein ? J'ai bien vu, moi, les petits coups d'œil en douce.

NESTOR N'importe quoi !

DAVID On ne me la fait pas à moi.

NESTOR Vous êtes malade mon vieux !

DAVID S’il se pointe alors qu’elle est encore dans les toilettes, je suis sûr que pour 50 elle est OK.

NESTOR Vous êtes un malade et un obsédé ! (Un temps.) Et d'abord, comment pouvez-vous penser que... ?

DAVID Je lui ai déjà dit : je suis très psychologue avec…

NESTOR (le coupant) Qu’est-ce qui vous fait croire qu’elle accepterait ?

DAVID Question fric, elle est raide de chez raide.

NESTOR Elle ne porte que des marques. Rien que son sac vaut au moins 500 euros.

DAVID Ça veut juste dire qu'elle a tout cramé.

NESTOR Admettons. Et alors ?

DAVID On parie ?

NESTOR N’importe quoi.

DAVID Combien qu'il a sur lui ?

NESTOR Vous n’avez qu’à y aller, vous !

DAVID D’accord. Combien ?

NESTOR Vous êtes dingue !

DAVID Combien il est prêt à parier que je vais me la faire ?

NESTOR Vous n’avez aucune chance. Avec la gueule que vous trimballez en plus ! Quand je pense que vous vous compariez à Di Caprio tout à l’heure !

DAVID 50 que je la fais crier !

NESTOR Laissez-moi tranquille.

DAVID Près de ses sous, le monsieur ?

Silence

NESTOR Bon, 50 euros d’accord ! Je prends le pari ! Vous avez l’argent ?

DAVID (il lui montre le sien.) Voilà !

NESTOR Allez prendre votre claque maintenant !

 

David entre aux toilettes. Période de jubilation et d’excitation pour Nestor. Au bout d’un moment, son portable sonne.

 

NESTOR Non, toujours pas. Oui, c’est long. Écoute, tu ne devineras jamais ce qui m’arrive… Tu t'en fous ? Pourquoi tu m'appelles alors ? Écoute, on en a déjà discuté, non ? Je t'assure qu'il est pour toi, ce rôle, je te l'ai promis, je te l'ai pas promis ? Je te l'ai promis, bien sûr que je te l'ai promis. Tu es la seule à pouvoir jouer quelque chose d'aussi exigeant. Tu es faite pour ce rôle ! Voilà, c'est dit. (Pause.) Oui, elle est aveugle. Ah, oui, complètement. Aveugle de chez aveugle, ça te pose un problème ? Pour entrer en scène ? Oui, mais toi, tu n'es pas réellement aveugle, c'est ton personnage qui l'est ! Non je t’assure, écoute-moi… (On entend des bruits et des gémissements provenant des toilettes.) Attends ! Je te rappelle ! Je te rappelle ! Je te dis que je te rappelle !

 

Il va à la porte. Les bruits sont vraiment explicites. Il retourne se rasseoir. La porte s’ouvre et David sort en se réajustant.

 

DAVID (il tend la main à Nestor qui lui donne un billet.) Elle est encore chaude si ça lui dit.

NESTOR Vous êtes écœurant !

DAVID Elle est très douée pour une occasionnelle, et 50 euros, c’est donné !

NESTOR C’est immonde !

DAVID Allez ! 50, c’est pas le bout du monde !

NESTOR (regardant dans son portefeuille ce qu’il lui reste d’argent.) C’est sordide, sordide...! (Sur ce, Eva sort des toilettes.)

DAVID Trop tard ! Il fallait se décider avant ! Bon, je vais aller m’en fumer une petite dehors, moi ! Il m’appelle si ça bouge ?

NESTOR Vous pouvez toujours courir !

DAVID Elle m’appellera la demoiselle ?

EVA Ouais…

 

David sort. On entend un bruit suivi d’un « Merde ! » en provenance de l’entrée. Silence.

 

EVA C’est un porc, ce gars-là !

NESTOR Ah bon ?

EVA Pourquoi je n’ai jamais de chance avec les types, moi ?

NESTOR Vous êtes trop… gentille ?

EVA Ça doit être ça… Mais celui-ci comme détraqué, bonjour !

NESTOR Ah bon ?

EVA Faites pas l’innocent, vous avez entendu, non ?

NESTOR Je n’ai rien entendu du tout, j’étais au téléphone.

EVA Sans blague ?

NESTOR Enfin, presque rien.

EVA Vous devez penser de moi des drôles de trucs, non ?

NESTOR Chacun est libre. Je ne juge personne.

EVA C’est des conneries, ça. Tout le monde juge tout le monde ! Je suis sûr qu’en ce moment vous pensez que j’en suis une belle !

NESTOR Une belle ?

EVA Vous voyez pas ?

NESTOR Si ça vient…

EVA Eh ben, vous vous gourez, mon vieux. D’abord, j’ai pas fait ça pour le plaisir, mais pour l’argent. Ensuite, c’est pas ce que vous croyez. Ce type, c’est juste qu’il a envie qu’on croie qu’il obtient ce qu’il veut des filles qu’elles le veuillent ou non. (Un temps.) C’est pas clair ?

NESTOR Non.

EVA Il m’a filé 25 euros pour que je fasse semblant de faire quelque chose avec lui ! J’ai simulé le truc, si vous préférez.

NESTOR Ah oui…?

EVA Vous voyez le topo, maintenant ?

NESTOR (énervé) Oui, oui, oui, oui, oui. C'est très clair !

EVA Vous avez vraiment cru que moi et cette espèce de…?

NESTOR Ben…

EVA Remarquez, il parait que je suis très douée.

NESTOR Très !

EVA C’est le cinéma, mon truc. J’ai déjà mis un pied dedans, vous savez, et pas qu’en figurante, mais c’est drôlement fermé.

NESTOR Le fumier !

EVA Comme comédienne, j’ai fait du doublage dans des pornos. C’est pour ça que j’étais juste tout à l’heure. Le travail, ça paye toujours, quoi.

NESTOR L'ordure !

EVA Mais, bon, question texte, c’est pas quand même du Molière, faut pas comparer, mais c’est pas parce que c’est pas des vers que c’est fastoche, attention ! Surtout que question mémorisation, y a quand même moins de repères !

NESTOR Je vais me le faire, je vais me le faire !

EVA Allez, ça ne vaut pas la peine. J’aime pas les bagarres. Mais c’est gentil, quand même…

NESTOR Ah, l'immonde crapule !

EVA (soudain soupçonneuse.) Dites : Il ne vous a rien dit avant du genre : je vais me la taper celle-là ?

NESTOR Euh… Non... Quand même pas !

EVA Vous l’auriez remis à sa place, hein ?

NESTOR Euh... bien sûr. Tout à fait. Ah ça, sûrement !

EVA J’aime mieux ça. Parce que sinon, c’est ma main en travers de la gueule qu’il prendrait à son retour. Et vous aussi !

NESTOR Moi ?

EVA Ça serait mérité, non ?

NESTOR Oui, Oui... Qu'on puisse ainsi se servir d'un être humain, ...ce n'est pas digne d'un être humain. Enfin, d’un homme, quoi.

EVA Les mecs, ils sont tous les mêmes...

NESTOR Ah non ! Vous n'allez pas me ranger dans le même sac que cet individu !

EVA Vous n'avez pas envie de moi ?

NESTOR Comment ça ?

EVA Tous les mecs que je croise ont envie de moi.

NESTOR C’est un peu prétentieux, non ? Sans rire, vous voyez ça à quoi ?

EVA Dans leurs yeux.

NESTOR (remettant ses lunettes de soleil) Ah oui ?

EVA Ma grand-mère me répétait souvent d'en profiter, que ça ne durerait pas toujours.

NESTOR Vous ne couchez pas avec tous les hommes que vous croisez. Dans la rue, par exemple.

EVA Ben non, sinon, je serais tout le temps en retard ! Mais moi, ce que je préfère, chez un mec, c'est quand il pleure. Ça me donne aussitôt envie de le consoler...

On entend un bruit et un gémissement provenant du couloir.

NESTOR Ce type, vous savez ce qu’il fait ? Il prend deux tickets quand il arrive et après il se débrouille pour en revendre un.

EVA Pas con.

NESTOR C’est immoral ! Vous ne trouvez pas ?

EVA Ah si, c’est pas cool ! Houlà ! J’pense bien !

 

Retour de David. Il boite légèrement.

 

DAVID Je voudrais bien dire deux mots au crétin qui a garé son scooter dans le couloir. (Un temps.) Toujours rien ? Remarquez, ça n'a rien d'alarmant. Parfois, ça ne bouge pas avant 11h00.

NESTOR Mais ils vont l'ouvrir leur guichet de merde !

DAVID (à Eva) Il est nerveux, hein, quand même ?

EVA (sortant un petit livre.) Je ne devrais plus vous parler à vous. Mais c'est pas mon genre de faire longtemps la gueule.

DAVID Qu'est-ce que vous lisez ?

EVA C'est pas pour lire, c'est pour apprendre.

DAVID Shakespeare ! (Déclamant.) To be or not to be ! That is the question ?

NESTOR Lâchez-nous un peu, vous voulez bien.

DAVID Sur quel personnage vous êtes dans la pièce ?

EVA Sur personne encore.

Silence.

DAVID Je voulais dire : quel rôle vous travaillez ?

EVA J'avais compris. C'était de l'humour.

DAVID Ah oui, d'accord. Très drôle. Funny ! Alors ?

EVA (lisant dans le livre.) Lady Macbeth.

DAVID Ça me dit quelque chose...

NESTOR Macbeth est un grand général qui se laisse embobiner par les prophéties de trois sorcières, et dont la femme, Lady Macbeth, le pousse à accaparer le trône du roi au mépris de son honneur.

DAVID Monsieur le théâtreux a parlé !

EVA Bref, c'est elle qui porte la culotte.

NESTOR On peut dire ça.

EVA Je peux vous poser une question...

NESTOR Allez-y.

EVA Votre pull, c'est un Versace ?

NESTOR Oui. Un souvenir d'Avignon.

EVA (désignant trois lettres brodées sur le pull.) C'est quoi (Epelant) F.O.C ? FOC ?

NESTOR Je ne sais pas. En fait, ce pull, je l'ai trouvé par terre dans la salle après le spectacle.

EVA Il est top cool !

NESTOR Merci. Pourtant, il n'y avait pas beaucoup de spectateurs pour ma pièce. Quelques touristes attirés par la climatisation de la salle. Je ne suis même pas sûr qu'ils comprenaient le français.

EVA Moi, ce que je trouve sympa, c'est d'aller faire ses courses à l'étranger. Surtout en Italie !

NESTOR Mais après tout mon travail est très visuel...

EVA Tous ces créateurs italiens !

NESTOR Oui, Pétrone, Goldoni...

EVA Je dirais plutôt : Cerruti, Gucci, Bulgari...

 

On entend un bruit qui vient de l’entrée.

 

Voix de femme (off) Zut !

 

Entre Albertine, 30-35. Elle porte tailleur, escarpins, serre-tête et collier de perles à triple rang. Elle boite légèrement.

 

ALBERTINE Pardonnez-moi. Est-ce ici la salle d'attente pour l'audition?

NESTOR Ça ne se voit pas ?

ALBERTINE Est-ce ici ou n'est-ce pas ici ?

EVA Ouais, c'est là.

ALBERTINE Il faut prendre un...?

DAVID Habituellement, oui, mais il se trouve que....

NESTOR et EVA (ensemble.) Au distributeur, là-bas !

 

Comme le ticket ne sort pas, Albertine tire à fond et un bout de ticket lui reste dans les mains. Puis, elle tire la deuxième partie du ticket. Puis, elle va s'asseoir. Nestor sort un petit carnet et prend des notes.

 

ALBERTINE (montrant deux bouts de ticket) Quelqu'un n’aurait-il pas un bout de rouleau adhésif transparent mat incolore ? (Pas de réponse) Tant pis.

Elle s’assoit. Elle tire de son sac un ouvrage et se met à tricoter.

DAVID (à Albertine) Il y a du retard.

ALBERTINE Pauvre France...

DAVID Je ne vous ai jamais vue, non ?

ALBERTINE C'est probable, mon ami.

DAVID Première fois, ici ?

ALBERTINE Qu'est-ce que vous croyez : que je suis chômeuse professionnelle ?

DAVID Dans le métier, c'est fréquent.

ALBERTINE Comme vous dites.

DAVID (lui tendant la main) Moi, c'est David.

ALBERTINE Albertine.

DAVID Ah, c’est ravissant !

NESTOR Ne vous croyez surtout pas contrainte de faire la conversation à cet individu...

DAVID Je cause avec la dame, d'accord ?

NESTOR Vous devriez plutôt retourner à votre place.

DAVID A ma place ? Comment ça ? Et elle est où ma place, exactement ?

NESTOR Dans les toilettes, entre la cuvette et la balayette !

DAVID (à Albertine) Ne faites pas attention. (Un temps.) Mon visage ne vous rappelle rien, belle Albertine ?

ALBERTINE Un matin de brouillard sur le Lac de Constance, peut-être...

DAVID Vous avez la télévision ? Non ? (Albertine fait signe que oui.) Ah si ! Alors, si je vous dis : « À fond la fourme » ?

ALBERTINE N'insistez pas !

DAVID (mimant.) Fourme d'Ambert, à fond la fourme !

ALBERTINE (le regardant bien) C'était vous !

NESTOR Je me disais, aussi !

DAVID Lui-même !

EVA Ça me cause pas du tout à moi.

NESTOR Vous n’étiez pas née.

DAVID (à Nestor.) Ça vous la coupe, hein ?

NESTOR J'aurais dû me rappeler, une tête d'abruti pareille !

DAVID (amer, à Albertine) Quatre années de gloire ! Quatre ans d’autographes et d’invitations. Tout le monde voulait se faire prendre en photo avec moi ! J’avais même renoncé à faire mes courses moi-même ! Puis, les publicitaires ont trouvé qu’on m’associait trop à cette campagne sur la fourme pour prendre le risque de me proposer autre chose. La fourme d’Ambert m’avait carbonisé ! Après, j’ai fait les centres commerciaux et les semaines du goût, les opérations « paëlla », et de l’animation débile. Et comme ça jusqu’à ce que plus personne ne me reconnaisse.

ALBERTINE Cela dit, je préfère le Gorgonzola, c'est plus chic ! Mais vous faisiez beaucoup rire les enfants ! Et dorénavant ?

DAVID Quoi, dorénavant ?

ALBERTINE Une autre publicité en vue ?

Silence

DAVID (bas.) Je ne peux encore rien dire.

ALBERTINE Allez quoi ! Vous ne croyez tout de même pas que ça porte malheur ?

DAVID (bas.) Non, bien sûr. Enfin, un peu quand même.

ALBERTINE Rien qu'à moi...

DAVID (faisant en sorte que les autres ne puissent pas entendre) Bon, on m'a proposé de jouer le rôle d’un type qui pète un câble parce qu'il n'y a plus de sa mayonnaise favorite pour manger son morceau de poulet. Il prend alors en otage avec un couteau les employés du restaurant. Des pourparlers s'engagent avec les forces spéciales. On essaye de lui proposer de la mayonnaise d'une autre marque, mais il refuse. La dernière scène, il est dans un fourgon de police, menotté, mais heureux parce qu'il finit son poulet avec sa mayonnaise préférée. (Un temps.)   Alors ?

ALBERTINE Vous serez parfait là-dedans !

DAVID J'aurai la réponse dans... Quelle heure est-il ?

On entend une alarme au loin.

EVA Y'a un truc qui sonne dehors !

DAVID (jettant un œil par la fenêtre.) Ma voiture ! (Il sort en courant.)

NESTOR (à Albertine) Je peux vous donner un conseil ?

ALBERTINE Vous êtes dans la réclame, vous aussi ?

NESTOR Non. Pas vraiment. Je voulais juste vous dire de vous garder de l'individu qui vient de sortir.

ALBERTINE Il a l'air bien gentil pourtant.

NESTOR Ne vous y fiez pas. C'est un sale type. Le genre pervers-manipulateur, si vous voyez où je veux en venir.

ALBERTINE Je vois très bien. Mon mari était comme ça. Mais il me pervertissait beaucoup plus moralement qu'il ne me manipulait physiquement... (Soupirant) Enfin...

EVA Il est mort ?

ALBERTINE Non, il est parti avec sa secrétaire. Excusez-moi, c'est d'un banal !

EVA Vous souffrez beaucoup ?

ALBERTINE Financièrement, énormément !

NESTOR Il vous paye une pension alimentaire quand même ?

ALBERTINE (avec l’ongle.) Pas ça !

EVA Vous avez des enfants ?

ALBERTINE Cinq. Nous sommes catholiques.

NESTOR J'imagine que vous avez déposé plainte ?

ALBERTINE J’y ai songé, mais contre la religion, ça ne sert à rien.

 

A SUIVRE...