LOCALEMENT AGITÉ

LOCALEMENT AGITÉ de Arnaud Bedouët

 

 

 

 

avec Anne Loiret, Lisa Martino, Thierry Frémont, Nicolas Vaude, Guillaume Pottier, Arnaud Bedouët

 

 

mise en scène Hervé Icovic

 

Le règlement de comptes après enterrement est devenu un genre à part entière au théâtre. Il faut dire que les réunions de famille sont déjà en elles-mêmes propices à la libération de la parole ! Alors après la mort d'un proche, elles peuvent devenir autant sous pression qu'une bouteille de soda bien secouée !

La particularité de cette histoire-ci tient dans le fait que l'héritage du défunt n'est ni le prétexte ni l'enjeu des disputes. Enfin, disons le côté financier, car en ce qui concerne l'héritage immatériel, affectif et moral, il va y avoir de la houle ! Car le père disparu était un écrivain célèbre, une conscience, un phare ! Et justement à propos d'équipement maritime, c'est dans sa maison de bord de mer bretonne qu'il a demandé à ses enfants et éventuellement à leur conjoint de se réunir afin de disperser ses cendres dans la mer.

Ils se retrouvent donc tous là respectueux des dernières volontés d'un homme idolâtré et tyrannique, décédé il y a quatre ans déjà, et qui a exigé d'être inhumé dans l'océan en février par un vent de Sud-Est qui se refuse à eux ! Comme c'est la quatrième fois qu'ils essayent de se débarrasser du corps, certains trouvent la plaisanterie un peu longue... D'autant que tous ne sont pas autant admiratifs du grand homme que d'autres (particulièrement celui qui occupe la maison et qui gère l’œuvre publiée ! Une sorte de gardien du temple !)

Bref, chacun se demande ce qu'il fait là, dans un bled paumé en plein hiver et par un temps pourri à se coltiner les réflexions de la fratrie plutôt qu'à gérer ses petites affaires ! C'est dans cette ambiance-là qu'on va finir par en apprendre un peu plus sur le grand homme...

 

Ici, dans cette fable familiale, le mot d'ordre est davantage : "Comment devenir  adulte ?", que : "Tu seras un homme, mon fils !" si cher à Kipling, car même mort et réduit en cendres, il faudra bien finir par le tuer vraiment, ce père !

 

J'ai aimé la sensibilité du texte qui ne cherche pas l’esbroufe, mais révèle la subtilité des liens qui unissent chaque personnage à son passé, aux autres. Arnaud Bédouet, l'auteur, dont j'avais eu la chance de voir son excellent Kinkali au Théâtre de la Colline en son temps, signe donc ici un texte personnel et juste, une comédie douce amère qui sait surprendre et interroger.

Une interprétation sans faille conduit le public dans cette histoire attachante qui, si elle met un peu de temps à démarrer, ne cesse ensuite de le régaler par l'originalité de ses situations et la pertinence de ses dialogues. C'est tour à tour féroce, drôle et émouvant. Bref, tout ce qu'on demande à une comédie réussie !

 

À noter l'excellente affiche : les personnages en ciré jaune expriment une douleur moins sociale qu'affective, mais une urgence, certainement !

 

À ne pas rater.

 

MB