STÜCK PLASTIK

STÜCK PLASTIK de Marius von Mayenburg

 

Mise en scène Maïa Sandoz

 

avec : Serge Biavan, Maxime Coggio, Paul Moulin, Maïa Sandoz, Aurélie Verillon

 

Il faut parfois passer le périph pour voir du théâtre qui a quelque chose à vous dire. D'autant que le lieu - La Manufacture des Oeillets - est grandiose. D'accord, nous sommes dans un CDN (financement étatique), mais quand les moyens sont mis pour de la vraie création théâtrale, ça vaut le détour.

STÜCK PLASTIC est l'histoire d'un couple de bourgeois new-look qui votent à gauche et se croient progressistes parce qu'ils psychanalysent tout ce qu'ils font. La pièce débute quand ils recrutent leur nouvelle bonne. Incapables de lui donner des directives simples et factuelles, ils s'excusent presque d'avoir à jouer le rôle de patrons. Or, comme bien souvent derrière la vitrine du couple exemplaire et du discours consensuel se cachent la frustration, le vide et la peur. D'ailleurs la femme de ménage comprendra bientôt les limites de cette compassion et de ce jeu de dupe : on lui offre du champagne au salon, et l'instant d'après on lui conseille de bien récurer les chiottes !

La survenue de l'ami plasticien du couple va dynamiter l'édifice. L'homme est un artiste connu, odieux et sans gêne. Il va embaucher la bonne pour son propre compte : une vidéo dans laquelle cette dernière nettoie sans fin un intérieur recouvert d'immondices. L'artiste y voyant là le symbole définitif de la société capitaliste.

Vous l'aurez deviné sans doute, Marius von Mayenburg ne fait pas du théâtre pour se distraire, mais entend nous plonger au cœur des contradictions de notre société. Cela pourrait être lourd, et pourtant cela ne l'est pas. L'écriture est redoutable : chaque personnage à sa propre logique, sa propre musique. C'est constamment drôle et amer : on connait des gens comme çà ! Et peut-être à commencer par nous mêmes ?

Partant de l'intime, du couple, du foyer (ils ont un enfant), Mayenburg nous projette dans le social, dans le sociologique. Sa démonstration me rappelle la phrase de Beaudrillard :

“Comme le société du Moyen-Age s’équilibrait sur Dieu et le diable, la nôtre s’équilibre sur la consommation et sur sa dénonciation”.

Dés lors, ici,  l'artiste n'est plus un recours, mais fait partie du système.

La vanité et la prétention de l'art contemporain comme agitateur politique est au coeur de l'imposture que démontre Mayenburg.

 

Mise en scène sur un plateau central semblable à un ring, aucune faiblesse ne vient amoindrir la démonstration.

 

Brillant.

 

MB