JEANNE

JEANNE de Jean Robert-Charrier

 

avec Nicole Croisille, Charles Templon, Florence Muller, Geoffrey Palisse

 

Mise en scène Jean-Luc Revol

 

 

J'aime bien la salle du Petit Saint-Martin, elle est à taille humaine, on y voit bien de partout et le plateau est large. La programmation y est souvent de qualité et sa jauge permet une certaine audace dans le choix des spectacles.

Jeanne est donc l'histoire d'une retraitée qui vit dans l'isolement d'un grand immeuble. Coupée de sa famille, de ses amis - si tant est qu'elle en eût un jour - se méfiant de ses voisins, elle vit recluse et oubliée au point que personne ne l'appelle pour son anniversaire ! Il est vrai que cette Jeanne file un mauvais coton : on en vient vite à se demander si elle ne travaille pas un peu du chapeau... C'est donc un conte de la misère ordinaire qui se joue sous nos yeux, avec son mix d'aigreur, de repli sur soi et d'amour perdu. C'est là qu'interviennent les services sociaux de la mairie avec leur panoplie d'aide aux personnes âgées et dépendantes, dans leur inimitable verbiage administratif et euphémique.

Il est finalement décidé qu'un plateau repas sera apporté à Jeanne chaque jour gratuitement. C'est le jeune Marin qui s'en chargera. Très vite, une relation spéciale va se nouer entre ses deux êtres...

Si cette pièce évite l'écueil de dégouliner de bons sentiments dans cette rencontre entre deux solitudes, elle perd en compréhension des motivations de chacun des deux personnages. On ne sait pas où Jeanne veut en venir, on ne comprend pas l'attachement instantané de Marin pour elle. De même, la façon dont chacun se livre dans de vrais-faux monologues est pour le moins fabriquée et sent la grosse ficelle.

Parfois, on sent même que c'est l'auteur qui n'a pas résisté à la tentation de donner un peu maladroitement sa vision personnelle de la société.

Je ne vous parlerai pas en revanche de la fin qui, à mon avis, ne justifiait pas les moyens.

Autre bizarrerie, le non choix entre réalisme et burlesque qui nuit à la ligne dramaturgique en produisant une curieuse hybridation.

On sort finalement de là avec la sensation que les propos n'ont pas été à la hauteur du sujet.

A noter : les interventions de l'adjointe au maire sur la politique sociale de la ville, tout en décalage : un régal ! Par contre, plus tard, son coming-out sur l’hypocrisie de la politique sociale est (malgré la comédienne) un non sens pour son personnage.

Côté interprétation, Nicole Croisille (Jeanne) fait le job avec rigueur, mais sans apporter le petit plus qui rendrait son personnage possible, Charles Templon (Marin) est lui vraiment bon, même si son personnage tient de la gageure, et Florence Muller (Adjointe du maire) est parfaite.

En résumé, malgré un indéniable savoir-faire, quelque chose donne à penser que cette histoire n'a pas trouvé ici sa forme indiscutable.

 

MB