SHOCK CORRIDOR

 

SHOCK CORRIDOR d'après Samuel Fuller

 

 

Mise en scène et adaptation Mathieu Bauer

 

Avec Youssouf Abi-Ayad, Éléonore Auzou-Connes, Clément Barthelet, Romain Darrieu, Rémi Fortin, Johanna Hess, Emma Liégeois, Thalia Otmanetelba, Romain Pageard, Maud Pougeoise, Blanche Ripoche, Adrien Serre

 

 

Tourné en 1963, soit 12 ans avant "Vol au dessus d'un nid de coucou" de Milos Forman, Shock Corridor raconte l'histoire d'un jeune journaliste ambitieux qui se fait interner pour démasquer l'auteur d'un crime.

Si je fais le parallèle, c'est qu'on retrouve dans les deux films - outre le fait qu'un homme sain simule la folie pour se faire interner - la même violence de l'appareil psychiatrique de l’État, cette surveillance absolument pas bienveillante, et cette même façon de mettre au pas les fortes têtes.

Ce qui est d'autant plus glaçant dans l’œuvre de Samuel Fuller, c'est l'absence de solidarité entre les détenus, pardon, entre les patients. Les malades sont ici de vrais malades, aux pathologies multiples, isolés en eux-mêmes, et dont il ne sera pas possible au journaliste Johnny Barret de se faire des alliés. Dés lors, son obstination à demeurer interné durant des semaines devient un acte suicidaire, et chaque pas vers la vérité le rapproche de sa propre déchéance. Pas la peine de vous dorer la pilule : les choses vont mal finir.

L'idée d'adapter cette œuvre était risquée, tant le sujet et la forme paraissaient peu réductibles aux contraintes théâtrales. Et pourtant, le résultat est là : sur la grande scène du Nouveau Théâtre de Montreuil, l'espace découpé comme autant de plans séquences, des comédiens comme mus par une machinerie invisible, une musique à la fois rythme et univers mental, on se prend vite à trembler pour ce pauvre Barret qui a mis le doigt dans un engrenage mortifère !

Les 12 comédiens sont tous issus de la promotion de l’École du Théâtre National de Strasbourg. C'est étonnant de voir un tel degré d'engagement, de maturité et de professionnalisme si tôt : dans cette mise en scène où le langage du corps, le jeu collectif, le sens du rythme sont essentiels, ils impressionnent par leur rigueur et leur puissance.

La mise en scène, ainsi que l'idée qui consiste à intégrer le récit dans la genèse du film de Fuller, comme une boite supplémentaire, non plus du théâtre dans le théâtre, mais le film dans le théâtre, est un bel hommage au maître du 7eme art, ainsi qu'aux second rôles du cinéma de l'époque. Il faut dire que pour Mathieu Bauer, il n'y a pas de frontière entre Musique,Théâtre et Cinéma.

 

Peut-être l’extrême sophistication du récit - par la complexité de sa narration - pousse-t-elle au maximum de ce qu'un spectateur peut recevoir sans perdre le fil de l'histoire ? C'est la seule limite de cette démonstration d'un théâtre total.

 

Bref, un spectacle pas fait pour les tièdes.

 

MB