POUR UN OUI OU POUR UN NON

 

POUR UN OUI OU POUR UN NON  Nathalie Sarraute

 

Mise en scène Léonie Simaga

 

avec : Nicolas Briançon, Nicolas Vaude, Roxana Carrara

 

 

- Des mots ? Entre nous ? Ne me dis pas que nous avons eu des mots ?

- Non, pas des mots comme ça... d'autres mots... pas ceux dont on dit qu'on les a "eus"...

 

Retour au Poche pour entendre le célèbre texte de Nathalie Sarraute, je dirais même le plus connu des textes dont le sujet est le sous-texte.

Pour un oui ou pour un non parle de l'amitié entre deux hommes, de la vraie amitié sans ambiguïté, celle qui plonge ses racines dans la camaraderie, et qui s'est renforcée et complexifiée tout au long de la vie.

Les deux hommes ont franchi toutes les étapes de l'existence sans que jamais l'un n'en vienne en apparence à empiéter sur le domaine de l'autre, à imposer ses idées ou son mode de vie. Car si l'un pourrait être qualifié "d'homme à qualités", l'autre serait par contraste - selon la terminologie musilienne - "un homme sans qualité" (pas un marginal, juste un être qui a toujours refusé d'endosser un costume).

Tous deux sont en tous cas des hommes mûrs qui semblent avoir fait des choix, et qui ne changeraient rien si c'était à refaire. Seulement voilà, la pièce commence quand l'un vient voir l'autre chez lui pour lui demander des explications : il lui semble que son ami s'éloigne...

L'incompréhension et l'inquiétude de cet homme devant la désaffection de son camarade qui parait si seul sont sincères : il a beau retourner dans sa tête tout ce qu'il a pu dire ou ne pas dire, il ne comprend pas les raisons de cet attitude, et il est venu pour en avoir le cœur net !

Au début, son ami refuse l'explication, puis il finit par lâcher quelques mots, mots, qui sortis de leur contexte, paraissent si dérisoires :  vraiment, il n'y a pas là de quoi fouetter un chat !

Et pourtant, Nathalie Sarraute nous démontre qu'il peut y avoir dans les mots - les plus inoffensifs paraissent-ils - des grenades dégoupillées ! Tout dépend de la façon de les dire. Ici, la plus infime modulation peut se révéler un poison ! Et c'est tout le génie de son texte que de mettre en évidence la mécanique implacable de ce qui se cache derrière ces mots - ceux qu'on a eus et ceux qu'on a pas eus - et d'observer avec une précision entomologique leur pouvoir de déflagration !

 

Seul regret cependant dans cette pièce à la mise en scène impeccable, le couple (de voisins) témoin a été remplacé par une voisine toute seule. Elle est parfaite certes, mais cela amoindrit la séquence.

 

Pour conclure, servi par deux comédiens-bretteurs de haut vol - Nicolas Briançon et Nicolas Vaude -, le spectacle est comme un câble tendu à se rompre : les moments drôles sont ici des respirations qui servent à plonger encore plus profondément dans les abysses de notre inconscient.

 

BREF,

C'est bien....ça !

 

MB