LE JOURNAL D'UNE FEMME DE CHAMBRE

 

 LE JOURNAL D'UNE FEMME DE CHAMBRE d'Octave Mirbeau

 

avec : Florence Le Corre - Person, Philippe Person

 

Metteur en scène : Philippe Person

 

Du potentiel érotique de la domesticité...

 

 

C'est Célestine qui ouvre le bal. Normal : c'est elle "la femme de chambre". Dans cette adaptation, elle vient juste de publier le roman de sa vie de domestique. Elle est donc interviewée sur un plateau et se met à raconter les bonnes feuilles : son arrivée chez les Lanlaire, petits bourgeois ridicules et obsessionnels, son voisinage avec le délirant Capitaine Mauger et surtout sa rencontre avec l'inquiétant jardinier-cocher Joseph.

Condenser en 1h10 et transférer aux années 70 le pavé dOctave Mirbeau était une gageure tant le récit est foisonnant, et surtout ancré dans la grande époque de la domesticité : le 19°. Si l'adaptation du roman de Mirbeau est fréquente au théâtre, le choix d'une période aussi proche de nous est étonnante. Car, si à la limite la France des années 50 vivait encore sur un modèle conservateur et passéiste, celle de Mike Brant et de Patrick Juvet, n'était plus tout à fait la même après 68. Même en province. Cela pèse un peu sur la compréhension du personnage de Célestine (et de celui de Joseph) dont les choix s'expliqueraient dans une France corsetée où il était rare de s'élever socialement, mais beaucoup moins dans celle de la libération sexuelle et de la fin des Trente Glorieuses.

Bon, une fois cette constatation faite, ne boudons pas notre plaisir : ce spectacle est ludique et attachant, les décors colorés et astucieux, l'enchainement des scènes fluide.

Et puis il y a Célestine, sa vigueur, sa lucidité et sa cruauté. Florence Le Corre s'en sort très bien - bonne exploitée prête à tout pour (sur)vivre - restituant à ce personnage toute son ambiguïté :

« Chez moi, tout crime - le meurtre principalement – a des correspondances secrètes avec l’amour… Eh bien, oui, là !… un beau crime m’empoigne comme un beau mâle… »

Et effectivement, on voit bien que ce qu'y l'attire irrésistiblement chez Joseph, c'est l'idée qu'il pourrait être un meurtrier. Et c'est là que réside la vérité terrible de l’œuvre de Mirbeau, au-delà et en deçà de la charge sociale : le crime et la sexualité sont les deux faces d'une même pièce.

 

Côté interprétation, la qualité est indiscutable, même si je pense qu'il faudrait resserrer les boulons pour les scènes à deux : même s'ils sont volontairement poussés vers la comédie, les personnages incarnés par Philippe Person manquent de vérité (à l'exception de Joseph), on ne sent pas assez la tension chez eux, surtout dans les scènes clés avec Célestine.

 

Bref, malgré un choix d'époque discutable et un rodage en cours, on sort de là tout content d'un spectacle plein de fraîcheur. Et puis le visuel de l'affiche est certainement l'un des meilleurs du Festival.

 

Avec qui : un(e) littéraire. Prévoir un débriefing à la sortie.

 

20h15 Théâtre Le Petit Chien, Festival Avignon OFF 2015

 

MB